12/04/2025
Face au mur
Au crépuscule du monde, et de tout ce qui disparaîtra avec lui, on ne peut que ressentir l’ombre grandissante de ce qui nous manque déjà. De ce qui sera perdu. Ce sentiment n’est que plus fort dans la ville, où tout ce qui nous entoure nous rappelle la rupture avec un rythme universel, inhérent à tout être vivant, et que l’on a oublié. Il pousse ci-et-là quelques verdures malmenées, quelques arbres esseulés, dans des jardins bien taillés où toute vie ne peut jamais croître pleinement. Cette contrainte de la nature, c’est notre espèce qui la désire pour garder ce lien avec l’universel. Et même s’il est factice, même s’il est vanité, il nous reste essentiel pour ne pas sombrer.
Pourtant, cet artifice n’est pas omniprésent, et trop de lieux, trop de monde connaissent le gris bétonné du paysage. Trop d’espaces sont dévastés par l’urbanisation.
Je vis cette métamorphose à travers le mur.
Au moment où toute nature authentique manque intérieurement, elle s’invite à travers l’aspérité d’une paroi. Dans tous ses défauts, ses altérations et ses flétrissures, de multiples paysages émergent et portent mon regard vers quelques endroits perdus, intangibles et idéaux. Voir naître tout cela d’une simple tâche de pollution, d’une fissure qui voudrait tout dire, à orienter tout mon processus de création.
Je réalise chaque toile, chaque image comme un palimpseste. Ce qui implique des doutes, de nombreuses souffrances à recouvrir un monde que l’on a chéri pendant de nombreuses heures. Imaginer chaque recoin pour l’effacer ou le masquer, en transparence ou non, pour finalement peut-être mieux le découvrir.
C’est du moins ce que j’espère chaque fois. Le comble serait de se retrouver face à un mur neuf. Rien n’est plus mort, plus vide que ce qui est neuf.
